1,3 % en 2019, un tournant décisif
Selon les dernières estimations d’Enerdata, la consommation mondiale de charbon aurait diminué de 1,3 % en 2019 (alors qu’elle augmentait de 0,9 % en 2018). L’inversion de cette tendance est principalement due à une chute de son usage aux États-Unis (-9 %) et en Europe (-4 %).
Aux États-Unis, la consommation de charbon a en effet atteint son niveau le plus bas depuis 40 ans, s’expliquant par la fermeture de centrales électriques au charbon (15 GW de capacité fermée en 2018), des normes d’émissions plus strictes et la disponibilité de gaz naturel moins cher pour la production d’électricité. En Europe, elle a décliné pour la septième année consécutive, en raison des politiques climatiques, du développement d’autres énergies (renouvelables et gaz) et de l’augmentation du prix de la tonne de CO2 au sein de l’Union européenne.
Ailleurs dans le monde et particulièrement en Asie, toutefois, le recours au charbon augmente. Sous l’impulsion de la production dans certains secteurs électro-intensifs (acier, ciment et produits chimiques), la Chine ne parvient pas à réduire sa dépense de charbon malgré le ralentissement de son économie.
Au moment où les pays industrialisés tentent d’atténuer leurs émissions de CO2, le Japon fait bande à part et prévoit la construction de 22 nouvelles centrales à charbon. Une conséquence involontaire de la catastrophe de Fukushima, qui a contraint le pays à mettre fin à son programme d’énergie nucléaire.
D’ici 2030, 8 pays européens se détourneront du charbon
Dans l’Union européenne, huit États membres (dont la France) ont décidé de supprimer la production d’électricité à partir du charbon d’ici à 2030.
Leur production d’électricité représente 22 % de la production totale d’électricité au charbon de l’UE. En outre, l’Allemagne qui produit un tiers de son électricité à partir du charbon (et contribue à 38 % de la production d’électricité au charbon de l’UE), a approuvé fin janvier 2020 un projet de loi visant à stopper ce type d’électricité d’ici à 2038 et entend fermer 40 % de sa capacité charbon d’ici à 2030. Les autres pays de l’UE ne se sont pas engagés : la Pologne, notamment, qui produit aujourd’hui 78 % de son électricité à partir du charbon.
En dehors de l’Union, le gouvernement britannique a avancé d’un an la date de sortie du charbon prévue maintenant en octobre 2024.
Figure 1 : Plans de sortie de charbon et part du charbon dans le mix électrique par nation en 2018. Carine Sebi (données Enerdata)
Engagement des secteurs énergétique et financier
Au-delà de ces annonces gouvernementales, certaines entreprises clés du secteur envisagent également le retrait ou l’arrêt de centrales charbon. Le distributeur d’électricité et de gaz américain PSEG a présenté cet été sa vision Powering Progress, dans laquelle il prévoit de fermer ou de vendre l’intégralité de son parc de centrales électriques au charbon d’ici 2021, soit un retrait d’une capacité équivalente à 2 400 MW. Son homologue espagnol, Endesa, a décidé de fermer toutes ses centrales au charbon en Espagne et au Portugal (soit 5 800 MW ou l’équivalent de la consommation en électricité hors chauffage et eau chaude de 4,6 millions de ménages en France, dont 50 % d’ici 2022).
Les banques d’investissement publiques et privées dévoilent également leur stratégie en matière de climat et politique de prêts dans le secteur de l’énergie, qui exclut les financements de projets charbon, en raison de la pression exercée par les régulateurs de la finance et du risque d’entacher leur réputation.
C’est le cas par exemple de la Banque européenne d’investissement qui ne soutiendra plus les projets d’énergie fossiles (y compris du gaz naturel) d’ici à 2021. Au Japon, la banque d’investissement MUFG, l’un des plus grands bailleurs de fonds au monde pour le charbon, s’est elle aussi engagée à cesser le financement de tels projets.
En regardant de plus près l’état d’avancement des projets en construction, on se rend compte du nombre grandissant d’annulations de centrales électriques au charbon. Sur la capacité mondiale additionnelle prévue d’ici à 2030 (soit ~300 GW), 21 % est gelée ou annulée, avec une part non négligeable en Asie (14 % pour la Chine et l’Inde par exemple).
Bruno Lapillonne, directeur scientifique d’Enerdata, bureau d’études spécialisé dans le domaine de l’énergie, a participé à la rédaction de cet article.