
La chaire Territoires en Transition de Grenoble Ecole de Management a organisé un colloque sur le thème : « Dépendance, vieillesse et territoires : quelle organisation pour demain ? » le 16 juin 2022. Retour sur cet événement et ses principaux constats.
Une recherche à l’origine de l’organisation de ce colloque
Entre 2020 et 2021, la chaire Territoires en Transition a mené une vingtaine d’expérimentations au niveau national sur les dispositifs de maintien à domicile des personnes dépendantes. L’étude a nécessité un important travail d’observation de terrain, rendu complexe par la période de crise sanitaire. Au total, ce sont 43 entretiens qualitatifs qui ont été réalisés auprès de directeurs et directrices d’établissements, cadres de santé, médecins, infirmiers ou infirmières, bénéficiaires, proches…
Parmi les différents dispositifs analysés, celui du Nord-Isère intitulé « Passerelle ». Passerelle est un DRAD (Dispositif Renforcé d’Accompagnement à Domicile). Ce dispositif s’adresse aux personnes de plus 60 ans en situation de perte d’autonomie et dont le souhait est de rester à domicile. Ce dispositif complète la palette de services classiques d’un EHPAD en mettant en relation les bénéficiaires avec une équipe dédiée de professionnels autour d’un large panel d’offres (soins, activités, accompagnements,…).
L’intérêt de cette recherche a été d’étudier les dispositifs qui permettent d’ajuster l’offre et la demande de prise en charge de la dépendance, tout en tenant compte des problématiques spécifiques à chaque territoire. Ainsi, la chaire souhaitait réunir des professionnels et parties prenantes de la santé lors d’un colloque pour partager les résultats de cette étude et explorer les enjeux du bien vieillir en France. Ce dernier a été organisé le 16 juin dernier à Grenoble Ecole de Management et a réuni une soixantaine de participants.
Thibault Daudigeos, co-coordinateur de la chaire Territoires en Transition soulignait : « La chaire s’intéresse à ce sujet parce qu’il s’agit d’un champ d’innovation incroyable. »
Le maintien à domicile des personnes âgées au cœur des débats
Dans un contexte où les personnes vivent de plus en plus tard et où les maladies surviennent de plus en plus tôt, la question de la gestion de la vieillesse est devenue l’une des principales préoccupations des personnes, de leur entourage mais aussi et plus largement des pouvoirs publics. Existent-ils des alternatives aux EHPAD pour les personnes en situation de dépendance ? Les dispositifs de maintien à domicile sont-ils des solutions prometteuses ? Quelle prise en compte des enjeux territoriaux dans les solutions existantes ? La diversité des acteurs du bien vieillir : la mise en place de solutions doit-elle avant tout passer par la coordination ? Qu’est-ce qu’un bon dispositif grand âge ? Comment évaluer les projets médico-sociaux ? Autant de questions abordées au cours des séances plénières et ateliers du 16 juin.
Yann Lasnier, Délégué général des Petits Frères des Pauvres en introduction évoquait : « le développement de formation des acteurs sur les questions de l’isolement social, sur les questions de maltraitance et sur des questions de repérage de l’isolement social ». Il indiquait également que « 75% des plus de 85 ans vivent chez eux. En 2021, 530 000 personnes de plus de 60 ans étaient en situation de mort sociale. Cela signifie qu’ils n’ont de contact avec personne ».
Ces nombreux échanges ont donné corps aux expérimentations et aux idées sur l’organisation de la dépendance et de la gestion de la vieillesse demain.
Le bilan
Parmi les principaux éléments, à retenir de ce colloque :
- La coordination des dispositifs de maintien à domicile avec les acteurs de terrain, ainsi que le temps qui leur est accordé, sont des facteurs essentiels à leur bon fonctionnement. Cela est notamment possible grâce au rôle phare de l’infirmière coordinatrice aussi appelée IDEC. Elle est en charge de la coordination des soins et de l’intervention chez la/le bénéficiaire. Il y a une véritable relation de confiance qui se créée entre les différents acteurs du territoire mobilisés. L’IDEC fédère notamment la direction des EHPAD, les médecins, le personnel soignant, les personnes âgées, les familles…
- Le secteur de la santé fait face à un manque considérable de personnels. En Isère par exemple, ce sont 2 300 aides à domicile qui vont manquer en 2030. En conséquence, le rôle des aidants se voit renforcé dans un contexte où la charge de travail s’alourdit et s’articule avec des tâches annexes. Cela n’est également pas facilité par la charge de travail qui est plus importante pour les acteurs impliqués dans des dispositifs de maintien à domicile, qui ont d’autres missions en parallèle.
- La lutte contre l’isolement social est aussi un enjeu primordial dans le cadre d’un maintien d’une personne âgée à domicile. Ainsi, pour conserver un lien avec l’extérieur, ces dispositifs proposent une offre de services et d’activités complémentaires permettant aux bénéficiaires de partager des moments avec d’autres pairs.
Thibault Daudigeos, co-coordinateur de la chaire Territoires en Transition concluait par une question centrale : « Est-ce qu’on aura le choix du dispositif ? En quel dispositif peut-on avoir confiance ? Deux modèles pourraient s’opposer : je fais confiance à distance à une marque ou un autre type de confiance se construit sur le territoire par des liens de proximité entre différents acteurs. Il y a cette question de confiance entre les professionnels et la confiance que les usagers peuvent avoir en les offres proposées. »