
L’économie du partage est en essor dans le monde entier. Mais sa définition et son principe même sont toujours fortement débattus. Pour prendre de la hauteur, des chercheurs proposent de la décrire selon une cartographie en trois axes, qui met aussi en évidence ses paradoxes et ses points de tension. Cet article de Thibault Daudigeos est le sujet du 41ème numéro des Résumés Managériaux de Grenoble Ecole de Management.
Enfin une analyse de l'économie du partage qui évite le piège du « pour ou contre » ! C'est le mérite de cette cartographie, applicable à tout type de projet pour révéler ses aspects positifs et ses zones d'ombre.
D'après l'article
Promises and paradoxes of the sharing economy : An organizing framework
Aurélien Acquier, Thibault Daudigeos, Jonatan Pinkse
Technological Forecasting and Social Change 125 (2017) 1 - 10
Trois piliers pour un équilibre
L'économie du partage peut être vue comme reposant sur trois axes, trois « piliers » : l'accès partagé à des biens sous-utilisés (voiture, logement…) ; l'existence d'une plateforme digitale pour les échanges décentralisés entre pairs ; le service d'une communauté où les interactions privilégiées sont non hiérarchiques ou non contractuelles.
Beaucoup de projets d'économie du partage reposent sur deux piliers. Par exemple, Blablacar et Airbnb proposent un accès partagé à des biens via une plateforme, mais sont plus orientés vers la création de profits que d'une communauté.
Inversement, un repair café qui permet l'échange de services locaux dans une communauté restera à petite échelle s'il ne s'appuie pas sur une plateforme. Son fonctionnement pourra aussi être altéré par l'émergence de leaders charismatiques au sein d'un groupe trop fermé.
Quant au projet « idéal », il repose sur les trois piliers. Ainsi, le site d'échange de maisons Guest to guest donne accès à des logements via une plateforme, au sein d'une communauté de propriétaires et de locataires, sans transactions financières.
Analyser les contradictions sans condamner les projets
Cette analyse fournit aussi une grille de lecture des paradoxes et des tensions de l'économie du partage, sans la condamner pour autant.
Ainsi, un bien partagé peut être mal entretenu par des utilisateurs désinvoltes : on le constate pour la propreté des véhicules d'Autolib. La puissance d'Airbnb crée un nouveau marché de la location de courte durée, purement capitaliste. Le coût compétitif des voyages Blablacar incite les utilisateurs à voyager plus et à générer par effet rebond plus de CO2 qu'avant.
La question n'est donc pas d'être « pour ou contre », mais de relire les initiatives et leurs difficultés éventuelles selon ces trois axes. A ce titre, cette cartographie est utilisable à la fois par les chercheurs et par les porteurs de projets soucieux de mettre en cohérence leurs idées et leurs actes.
À retenir
Tout projet d'économie du partage s'analyser selon trois axes :
- l'accès partagé à un bien sous-utilisé,
- les échanges décentralisés entre pairs via une plateforme digitale,
- le service d'une communauté où les interactions sont non hiérarchiques ou non contractuelles.
Un projet « idéal », cohérent avec les valeurs de l'économie du partage, réunit ces trois aspects. Beaucoup de projets s'inscrivent dans seulement deux axes.