
Le prélèvement de l'impôt directement auprès des employeurs apparait comme une simplification. Michel Albouy de l’équipe de recherche Finance Innovation Gouvernance, analyse le dispositif et ses contraintes dans son nouvel article de The Conversation
Lors de sa campagne pour la présidentielle de 2012, le candidat François Hollande prenait 60 engagements pour la France. Parmi ces engagements il y avait celui de faire une grande réforme fiscale. Il figurait au n° 14 :
« La contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Une part de cet impôt sera affectée aux organismes de sécurité sociale. Les revenus du capital seront imposés comme ceux du travail ».
Même si la fiscalité des revenus du capital a été alignée sur celle du travail, ce qui ne va pas sans poser de questions compte tenu de la survivance de l’ISF, la grande réforme fiscale n’a pas eu lieu malgré l’insistance de Jean-Marc Ayrault, le premier ministre de l’époque (2012-2014). Certes, les impôts, notamment sur les classes moyennes et surtout moyennes supérieures se sont fortement alourdis, mais point de remise à plat de la fiscalité pour aboutir « à des règles plus justes, plus efficaces et plus lisibles » comme nombre d’experts proches du gouvernement le souhaitaient.
Chacun le sait, la CSG, imaginée par Michel Rocard et créée par la loi de finances pour 1991, est un impôt destiné à participer au financement de la protection sociale. Il est assis sur l’ensemble des revenus des personnes résidant en France et ses taux ne sont pas progressifs. Il s’agit donc d’un impôt à large base et à taux unique. Initialement fixé à 1,1 %, son taux est passé de 2,4 % en 1993, à 3,4 % en 1996 et à 7,5 % en 1998 (pour les revenus d’activités et assimilés). Cette absence de progressivité, contrairement à l’impôt sur le revenu, fait de la CSG un impôt considéré comme « injuste ».
D’où la proposition de l’engagement n° 14 du candidat Hollande de fusionner les deux impôts. Mais pour le moment, cette réforme n’a pas encore vu le jour et il est fort probable, vu le temps qui reste avant la fin du mandat présidentiel, qu’elle ne se fasse pas. Au lieu de cette grande réforme, le gouvernement a mis en chantier une autre réforme fiscale : le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu dès le 1er janvier 2018.
En 2012, le Président Hollande décide de créer une taxe à 75 % sur les revenus supérieurs à un million d’euros. Il s’agit de faire payer une contribution exceptionnelle de solidarité par tous les résidents français dont les revenus dépassent un million d’euros par an. Malgré la polémique qui enfle et le départ fracassant de Gérard Depardieu, le gouvernement tient bon. Mais le Conseil constitutionnel lui demande de revoir sa copie.
Outre le caractère confiscatoire de la mesure, la taxe à 75 % qui vise non pas le revenu du ménage mais le revenu individuel (salaire, ou autres) est contestée par le Conseil constitutionnel. En effet, en France se sont les ménages, et non les individus, qui font l’objet d’un impôt sur le revenu.
En clair, la taxe devait s’appliquer, par exemple à un salaire d’un million d’euros et non pas à un ménage disposant de deux salaires de 500 000 euros. Or, avec notre système fiscal centré sur le ménage (ou la famille), cette taxe posait évidemment problème. Fin mars 2013, le gouvernement qui tient à préserver une mesure symbolique à l’encontre des rémunérations jugées excessives, trouve une solution : la taxe à 75 % sera payée directement par les entreprises. Les professions libérales (médecins, avocats, et.), comme les acteurs qui reçoivent des cachets sortent du champ de la taxe à 75 %.
Au 1er janvier 2015, la taxe était enterrée par le gouvernement, seulement deux ans après sa création. Le cas de cette taxe est intéressant à rappeler car son échec vient, en partie, du caractère familial de l’impôt sur le revenu.
Est-on en train de faire la même erreur avec le prélèvement à la source ?
Le prélèvement à la source : de quoi s’agit-il ?
Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu devrait être mis en place à compter du 1er janvier 2018. Ce nouveau dispositif bouleversera les règles applicables au paiement de l’impôt sur le revenu. Le gouvernement a présenté cette réforme comme une simplification pour les contribuables et une modernisation nécessaire de notre fiscalité.
Le fait qu’il est en vigueur dans la plupart des pays européens est aussi largement rappelé. Les modalités d’application du prélèvement à la source ont été présentées dans les grandes lignes en août 2016. Alors que dans le système actuel, les contribuables sont imposés sur les revenus perçus au cours de l’année précédente, avec le prélèvement à la source l’impôt est directement prélevé au moment du versement du revenu du contribuable.
Ce système repose donc sur l’intervention d’un tiers payeur, en l’occurrence les entreprises. Ceci constitue bien évidemment un changement profond qui ne va pas sans soulever des questions comme nous allons le voir. En fait ce prélèvement à la source ne va concerner que les salaires et les pensions de retraites puisque les revenus des professions indépendantes ne peuvent être connus à l’avance. Ces derniers feront l’objet d’acomptes mensuels versés directement par les intéressés, comme actuellement dans le cadre de la mensualisation des impôts.
Précisons et insistons : en l’état actuel de la réforme, le prélèvement à la source ne vise pas à modifier le calcul de l’impôt sur le revenu (IR) ni son montant, mais uniquement à changer son mode de recouvrement.
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