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Pour quoi investir le métaverse le premier (et pourquoi différer) ?

Pour quoi investir le métaverse le premier (et pourquoi différer) ?
Publié le
19 Janvier 2023

Depuis la transformation de Facebook en Meta, nombre d’entreprises ont fait le choix d’investir le métaverse. Ce réseau interopérable et persistant, où les environnements virtuels sont partagés, et où les individus interagissent de façon synchrone à travers différents avatars, ouvre la voie à une course technologique et d’image pour les acteurs économiques. Mais quel est le temps opportun pour investir le métaverse ?

Carrefour, Gucci, BMW… ont d’ores et déjà investi des millions dans le métaverse. Carrefour y a conduit une campagne de recrutement. L’industrie du luxe a réalisé des défilés virtuels en habillant différents avatars, s’affranchissant ainsi des contraintes physiques, et BMW s’est inspiré de la technologie des jumeaux numériques, afin d’optimiser ses processus d’innovation technologique dans le métaverse.

Toutefois, pour quelles raisons et pour quels usages les entreprises devraient-elles entrer les premières dans le métaverse, et pourquoi vaudrait-il mieux qu’elles patientent avant d’investir ? Tel est l’objet d’une étude pilote, qui a débuté à l’automne 2021, et dont les résultats ont été publiés en décembre 2022 dans Journal of Business Strategy. Cette étude s’est inspirée du mémoire de Wassim Simouri, étudiant en Mastère Spécialisé Manager des Stratégies Digitales à Grenoble Ecole de Management (GEM). Elle a été dirigée par Stéphanie Gauttier, enseignante-chercheure à GEM, spécialiste des technologies augmentées, des réalités virtuelles et du métaverse, en particulier pour les questions éthiques, en collaboration avec Aurélien Milliat, lecturer à IMT Atlantique.

Temps opportun et valeur ajoutée

Cette étude vise donc à définir le moment opportun pour les organisations pour entrer dans le métaverse. « Car, être le premier génère des coûts financiers, techniques et stratégiques, mais crée dans le même temps des barrières empêchant les autres d'entrer et d'asseoir leur marque comme innovante. Être en retard permet en revanche aux entreprises de bénéficier d'une infrastructure plus mature et d'opportunités d'apprentissage, mais elles risquent d'être des suiveurs plutôt que des leaders et de passer à côtés d’opportunités », souligne Stéphanie Gauttier.

Pour identifier les conditions requises pour investir le métaverse, 15 experts en stratégie d'entreprise ont classé 25 affirmations les unes par rapport aux autres sur le métaverse, ainsi que les stratégies des premiers et derniers entrants. « Dans cette étude, nous n’avons pas souhaité nous interroger sur les points technologiques d’interopérabilité, mais plutôt sur l’environnement virtuel, la géographie et les interactions – soit la valeur ajoutée générée par le métaverse », précise Stéphanie Gauttier.

L’avantage compétitif à être le premier dans le métaverse dépendra d’abord de la capacité de l’organisation à gérer ses connaissances du métaverse

Des résultats à nuancer

En comparant les points de vue des 15 experts, consultants en stratégies digitales et marketing digital, issus de tous secteurs d’activité publics et privés, quatre perspectives se dégagent. Selon trois perspectives, être un précurseur peut conduire à un avantage compétitif durable lorsque les organisations disposent de solides capacités en matière de recherche et développement, de gestion du changement, d'apprentissage et de gestion des connaissances. La quatrième perspective est sceptique sur le bénéfice ou l’avantage concurrentiel d’entrer en premier, compte-tenu du niveau d'incertitude élevé qui entoure le développement du métaverse à l’heure actuelle.

Préconisations et mises en gardes

« L’avantage compétitif à être le premier dans le métaverse dépendra d’abord de la capacité de l’organisation à gérer ses connaissances du métaverse. Quant à l’avantage durable, l’organisation peut se trouver vite concurrencée en étant copiée par d’autres. Ainsi, cette dernière devra comprendre comment créer des barrières au changement pour les utilisateurs de ses services dans le métavers, comment construire des effets de réseaux, ou comment construire sur l’historicité des interactions qu’elle a avec ses utilisateurs, relève Stéphanie Gauttier. Les organisations qui préfèrent quant à elles entrer plus tard dans le métavers devront être capables d’utiliser le métavers de manière originale, notamment en construisant sur les services déjà existants dans le métavers. Elles devront aussi se méfier de l’attachement des utilisateurs aux premiers services dont ils auront fait l’expérience et des barrières à l’entrée. »

Enfin, Stéphanie Gauttier formule quelques mises en garde : « Il existe toujours une limite technologique, qui fait qu’il est difficile d’être dans le métavers plus d’une trentaine de minutes. Il y a également un grand nombre de risques juridiques à entrer dans le métaverse, notamment au regard du RGPD et des possibles comportements répréhensibles effectués dans le métaverse. Il y a aussi des risques quant au va-et-vient entre métaverse et réalité physique, qui pourrait être inabouti. Avant de se lancer, il est donc recommandé de s’informer, de découvrir et de se familiariser avec l’univers du métaverse. » Pour illustration, les étudiants de GEM mènent leurs études et expérimentations sur la conduite de réunions professionnelles dans le métaverse, afin de comprendre dans quels scénarios l’utilisation du métavers permet de créer de la valeur.

 When to enter the metaverse: business leaders offer perspectives, Stéphanie Gauttier, Wassim Simouri and Aurélien Milliat, www.emerald.com

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