
Loi sur la transition énergétique, Accord de Paris sur le climat, crise sanitaire… face aux nouvelles contraintes gouvernementales et sociétales, les entreprises doivent de plus en plus intégrer la transition énergétique dans leurs stratégies pour à la fois satisfaire l’actionnariat, motiver leurs salariés, tout en restant compétitives. L’objet de cette recherche est de tester si ces efforts sont gagnants, notamment au cours de cette période de crise sanitaire sans précédent.
Pour subsister, les entreprises sont donc invitées à adopter ou renforcer leurs actions RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) en matière de transition énergétique. Ces actions les poussent à faire plus que le respect des contraintes réglementaires qui s’imposent à elles par des démarches volontaires visant à protéger l’environnement. Elles se traduisent par des investissements ou dépenses telles que l’adoption d’objectifs concrets d’efficacité énergétique (% d’économie d’énergie) ou l’acquisition de bâtiments durables (green buildings). Les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) permettent d’évaluer cette part de responsabilité qu’endossent les entreprises dans la transition énergétique et dans la protection de l’environnement.
Les actions RSE peuvent également être mises en place via l’introduction de produits ou de chaînes de valeur durables pouvant générer non seulement des avantages économiques, mais aussi des avantages environnementaux ou sociaux. Aussi, les entreprises appliquant de telles mesures devraient retirer plus de bénéfices que celles qui ne s’en soucient pas, notamment grâce à l’adhésion des consommateurs à ces nouvelles promesses, ainsi qu’à la motivation et ou à l’engagement de leurs salariés.
L’objet de cette recherche, menée par la Chaire est double. Le premier axe évalue l’interaction dynamique entre la stratégie de l’entreprise en faveur du développement durable et le niveau d’engagement et de satisfaction de ses salariés. Les dépenses d’une entreprise liées à la protection de l’environnement sont-elles mieux valorisées sur les marchés financiers lorsque ses employés sont satisfaits de leur condition de travail?
Le deuxième axe étudie le rôle des acteurs RSE et des cadres intermédiaires dans l’adoption et la mise en oeuvre d’actions en faveur de la protection de l’environnement dans les entreprises. Quel rôle doit jouer le cadre intermédiaire pour remonter et intégrer les questions environnementales et sociétales au plus haut niveau de la stratégie ? La crise sanitaire actuelle est-elle un phénomène catalyseur pour les cadres intermédiaires RSE ou au contraire ces stratégies paraissent-elles moins prioritaires pour les cadres dirigeants ?
La satisfaction des salariés améliore-t-elle la valorisation des initiatives relatives au développement durable en termes de performance financière ?
Ce premier axe étudie si oui ou non la satisfaction des employés (envers leur entreprise) peut influencer la perception des investisseurs vis-à-vis des efforts entrepris en matière d’environnement. En d’autres termes, les actionnaires sont-ils influencés par le bien-être et l’engagement des salariés d’une entreprise développant des actions en faveur du développement durable?
Dans ce contexte, les chercheurs étudient et observent deux groupes d’acteurs en se focalisant sur les plus grosses entreprises françaises cotées en bourse, celles de l’indice SBF120 (Société de Bourses Françaises):
- Les actionnaires externes à l’organisation : les actionnaires sont-ils attirés par de telles mesures? Comment le marché réagit-il?
- Les employés internes à l’organisation : l’engagement et la satisfaction des employés envers leur entreprise influencent-t-ils la perception de l’actionnariat?
Méthode de recherche
Pour répondre à ces questions, l’efficacité des actions RSE est mesurée grâce aux bases de données suivantes :
- Pour l’actionnariat : Capital IQ pour extraire les données de marchés et comptables qui permettent de développer une mesure de la perception des actionnaires vis-à-vis de l’entreprise (via la mesure du Tobins’Q)
- Pour les salariés : Asset 4 qui donne accès aux notations environnementales/sociétales et de gouvernances des entreprises et qui fournit des données qualitatives sur les investissements en environnement ou si l’entreprise a subi des grèves. La satisfaction des salariés est aussi mesurée via l’occurrence de mouvement de grève observé durant l’année dans l’entreprise.
Résultats préliminaires
L’engagement d’une entreprise en matière de développement durable peut contribuer à atténuer les atteintes à la réputation qu’elle subit, en raison, par exemple, de conflits internes. Les premiers résultats de l’étude montrent que les dépenses environnementales en elles-mêmes ne peuvent pas conduire à une meilleure performance financière, du moins à court terme.
Cependant elles contribuent à l’amélioration de la performance financière lorsque l’entreprise est confrontée à un mécontentement des employés (qui est mesuré ici à partir d’une variable binaire : grève/pas grève). En effet les chercheurs ont observé que les entreprises qui investissent dans le développement durable en temps de grève ont été surévaluées (en ce qui concerne leur performance financière sur les marchés boursiers) comparées aux entreprises qui n’ont pas effectué ces dépenses en temps de grève.
Research agenda
La prochaine étape serait d’étudier également cet effet sur le long terme (plusieurs années après de telles dépenses environnementales). De plus, l’équipe souhaite étendre cette étude à une pression sociale incluant d’autres acteurs. En analysant par exemple comment la perception des actionnaires en ce qui concerne les dépenses environnementales est influencée par le sentiment (positif ou négatif) vis-à-vis de l’entreprise sur les réseaux sociaux (spécifiquement Twitter).
Le rôle des acteurs RSE et des cadres intermédiaires dans l’adoption et la mise en œuvre de stratégies durables dans les entreprises
Cette deuxième étude vise à mieux comprendre le rôle des acteurs RSE et des cadres intermédiaires dans le déploiement d’une stratégie durable (i.e. une démarche en faveur du développement durable) ou plus précisément de la transition énergétique de l’entreprise.
L’époque actuelle offre un cadre d’analyse intéressant étant donné que la crise sanitaire du COVID pousse les entreprises à prendre part à une relance durable et à mettre en œuvre des stratégies en faveur de la transition énergétique, comme par exemple le remplacement de la flotte de véhicules thermiques par des véhicules à batterie électrique ou hydrogène. La prise en compte de ce contexte de crise est d’autant plus intéressant pour cette étude que la littérature dit qu’en période de crise, l’allocation optimale des ressources entre des problèmes concurrents peut devenir très difficile (Ramus, Vaccaro et Brusoni, 2017). Aussi, l’obtention de l’attention et de la compréhension des équipes de direction semblent déterminant et devient un vrai challenge pour les acteurs RSE.
L’approche se focalise ici sur le rôle des cadres intermédiaires RSE qui sont à l’œuvre dans l’application de ces mesures et qui maintiennent en alerte les cadres dirigeants sur les problèmes et décisions à prendre. Comment les cadres intermédiaires RSE influencent-ils ou réussissent-ils à convaincre les cadres dirigeants de l’importance (ou urgence) de ces problématiques ? Quelle est la légitimité des acteurs RSE au sein de l’entreprise ? Facilitent-ils la diffusion des pratiques RSE au sein de l’entreprise ? Et en temps de crise, comment cette légitimité évolue-t-elle ?
Méthode de recherche
Pour répondre à cette problématique, l’équipe de recherche mène des enquêtes d’opinion auprès d’acteurs RSE et de cadres intermédiaires d’entreprises cotées en bourse (SBF120).
Les participants de l’enquête sont identifiés grâce à la base de données RocketReach.
Les premiers résultats de l’étude seront disponibles au printemps 2021