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Peut-on vraiment s’enrichir grâce aux marchés financiers ?

Publié le
17 Octobre 2016

Le prix des actifs financiers fluctue dans le temps. Il n’existe pas de technique miracle pour être sûr de gagner. Luc Meunier et François Desmoulins-Lebeault abordent la question de la gestion du risque dans leur nouvelle tribune de TheConversation.

L’affaire Kerviel a été jugée en appel le 23 septembre, et les dommages et intérêts initialement fixés à 4,9 milliards d’euros ont été réduits à 1 million d’euros. Le patrimoine net de Jérôme Kerviel vient donc d’augmenter de 4,899 milliards d’euros, un « enrichissement fabuleux » !

Mais mis à part la capacité à réduire le montant de dommages et intérêts dû lors d’un procès pour fraude, comment « s’enrichir » grâce aux marchés financiers ? La théorie financière classique possède-t-elle des réponses ?

Le cordonnier, toujours le plus mal chaussé

Une première question pertinente est : pourquoi les professeurs de finance ne sont-ils pas plus riches, s’ils détiennent des réponses ? On raconte qu’une question similaire fut posée au philosophe et mathématicien Thalès. Certains de ses concitoyens grecs lui faisaient remarquer l’inutilité de la philosophie, celle-ci l’ayant laissé pauvre. Thalès, visiblement piqué, se servit alors de ses connaissances pour prédire que la récolte d’olives serait bonne. Utilisant le peu d’argent qu’il avait, il réserva l’ensemble des moulins de la région. Quand le temps de la récolte vint, il engrangea un profit conséquent du fait de son monopole. Il prouva ainsi que le but ultime du philosophe n’est pas l’argent, même s’il lui est facile d’en obtenir. Il en va de même pour les enseignants et chercheurs en finance : l’enrichissement rapide n’est pas leur but premier.

Ceci étant établi, un deuxième facteur doit être pris en compte dans le cas des professeurs de finance moderne. En effet, le prix des actifs financiers suit selon la théorie financière classique une marche aléatoire : les marchés sont dits « efficients », dans le sens où les prix reflètent toute l’information publique. De fait, il est impossible de donner une prédiction exacte du prix d’un actif à l’avance – contrairement au cas de Thalès, la richesse n’est pas facile à obtenir pour le professeur de finance. On peut comprendre cela aisément : s’il existait une technique miracle pour choisir les actifs gagnants sur les marchés à partir de l’information publique, au moins une personne l’utiliserait, et achèterait en masse. Les autres agents voyant cela suivraient et achèteraient, au moins un peu, ces mêmes titres. Les prix des actifs concernés augmenteraient du fait d’une demande en hausse et d’une offre en baisse, et les profits potentiels initialement prédits disparaîtraient.

La légende, lancé par le livre du célèbre Burton Malkiel A Random Walk Down Wall Street (Une marche au hasard à travers la bourse) veut qu’un « singe aux yeux bandés lançant des fléchettes sur les pages financières d’un journal, pourrait constituer un portefeuille d’actions tout aussi performant que celui choisit par un expert ». Ce n’est qu’une simple illustration du principe que nous avons énoncé plus haut.

Pour l’anecdote, le célèbre Wall Street Journal fit l’expérience. Évidemment, pour des raisons de sécurité et de praticité, les singes furent remplacés par les employés du journal qui lançaient des fléchettes sur la page marchés financiers du journal pour sélectionner des actifs. Ils étaient comparés aux experts du journal. Les experts battirent les lanceurs de fléchettes 61 fois sur 100. Mieux que ce que la théorie financière aurait prédit donc. Cependant, si l’on corrige comme l’on fait certains économistes, pour le fait que les avis des experts étaient publiés dans le Wall Street Journal, créant un effet d’annonce ou de « prophétie auto-réalisatrice », on arrive à une égalité entre lanceurs de fléchettes et experts.

Du fait de cette efficience (au moins relative) entraînant une impossibilité à prédire le cours des actifs, certains économistes, qui venaient tout de même de recevoir le prix Nobel, se sont illustrés grâce à l’échec tonitruant de leur hedge fund, Long Term Capital Management (LTCM). Sa quasi-faillite – la faillite totale ayant été évitée par des recapitalisations massives – fit courir un risque majeur au système bancaire international en 1998. Cet exemple illustre bien la difficulté à prédire le marché.

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