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Le leadership au féminin

Publié le
03 Octobre 2016

D’après une étude menée en 2014 les femmes sont plus inventives mais moins entendues que les hommes. Fort de ce constat Séverine Le Loarne titulaire de la chaire FERE s’interroge sur l’intégration des filles dans le système éducatif.

L’année 2016 a vu l’arrivée de deux femmes dirigeantes dans les entreprises du CAC 40 : Isabelle Kocher chez Engie et Sophie Bellon chez Sodexo. Pourtant, force est de constater qu’elles ne sont que deux sur 40 à diriger une très grosse entreprise et que la situation demeure catastrophique dans les entreprises de plus petite taille.

Les chiffres sont toujours flous, mais on parle de 30 % de dirigeantes, parfois 12 % dans les réseaux d’entreprises dits à fort potentiel d’emploi (je pense à Réseau entreprendre). Si ces femmes n’accèdent pas à la direction d’entreprise, elles accèdent peu à des postes de direction ou à des mandats électoraux de manière générale. La loi et les quotas sont là pour le rappeler puisqu’il s’agit d’atteindre l’objectif de 40 % de femmes dans un conseil d’administration d’entreprises cotées par exemple.

Pourquoi peu de femmes sont-elles au pouvoir ?

Si l’on écarte d’emblée l’hypothèse que la femme serait moins compétente que l’homme notamment lors des prises de décisions et que, naturellement, on privilégie à chaque fois l’homme aux femmes, il faut observer les choix de ces dernières, qui se tournent essentiellement vers des carrières dans les ressources humaines, la communication, le marketing ou celui des études de R&D ou de marché. Soit un ensemble de métiers qui ne conduisent pas véritablement à la direction d’une entreprise. Ce n’est pas pour autant qu’il y a parité dans les directions de ces services non plus…

Pour améliorer cette donne, ne faudrait-il pas rouvrir, ne serait-ce que pour un temps, des écoles spécifiques dédiées aux filles, comme on le fait actuellement avec les réseaux professionnels tournés vers les femmes ?

Depuis 1932, grâce à Édouard Herriot, les écoles françaises ont une mission qui est passée du stade de l’instruction à celui d’éducation. Elles sont également mixtes depuis les années 60. Pourtant, 70 ans plus tard, l’éducation en France, dans les écoles et ce au moins jusqu’en classes terminales, est devenue involontairement genrée. En conséquence, les filles, une fois arrivées au sein de l’enseignement supérieur et dans l’entreprise, ont un leadership moindre que celui des garçons.

À mon sens, la solution réside surtout dans la mise en place d’une école de la République, au sens platonicien, qui reprendrait sa mission éducative, peut-être trop laissée aux familles.

Une dimension genrée qui se perpétue dans les grandes écoles

Le syndrome que l’on appelle souvent l’effet plafond de verre est non seulement loin d’être spécifique au monde de l’entreprise, mais se trouve déjà à l’entrée des grandes écoles, donc à la sortie du monde de l’éducation nationale, du baccalauréat ou des classes préparatoires.

Je prendrais l’exemple d’une étude réalisée par une école de management de France (Le Loarne, Parmentier & Belkhouja, 2014) et qui se focalise uniquement sur l’éducation en France.

L’étude constate que les étudiants observés n’ont pratiquement jamais travaillé en entreprise, si ce n’est que dans des stages de moins d’un mois et ce que l’on appelle communément les « petits boulots ». Ces étudiants viennent d’intégrer l’école depuis trois jours. Ils ne se connaissent pas tous.

Pour faciliter la rencontre et les discussions, ces jeunes sont invités à participer à un concours d’innovation, comme dans les « véritables entreprises ». On les fait travailler en groupes de cinq, définis arbitrairement sauf sur trois catégories identifiables : les groupes exclusivement composés de garçons, les groupes exclusivement composés de filles et les groupes mixtes, majoritairement féminins ou masculins. Au final, chaque groupe soumet une idée d’innovation mais il est possible de retracer l’identité de l’émetteur de l’idée initiale. Ces idées, présentées anonymement, sont ensuite jugées par des experts en innovation issus de grandes entreprises qui sélectionnent les dix meilleures.

Or, il est constaté qu’aucune de ces dix propositions finalistes n’ont été soumises par une fille ni par un groupe exclusivement composé de filles.

Que se passe-t-il ? Les tests de créativité ne permettent pas de retenir l’hypothèse que l’agilité créatrice de la jeune femme serait moins bonne que celle du jeune garçon. La compétence intrinsèque n’est donc pas en jeu.

En revanche, au sein des petits groupes mixtes, les idées émises par les garçons sont systématiquement reprises tandis que celles des filles sont très majoritairement écartées : une première discrimination opérerait donc au niveau du petit groupe d’étudiants.

Une seconde discrimination apparaît lorsqu’au sein de la classe les étudiants sont invités à présélectionner les idées qui iront en demi-finale et feront l’objet d’un examen par les experts. D’après l’enquête, les idées soumises par des groupes uniquement masculins ou féminins sont « recalées » tout comme les idées soumises par des groupes majoritairement féminins. En revanche, le groupe majoritairement masculin, mais accueillant une fille a de plus grandes chances de voir son idée acceptée.

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