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Le dilemme de la consommation énergétique des solutions digitales

Le dilemme de la consommation énergétique des solutions digitales
Publié le
16 Mars 2020

La numérisation du secteur de l'énergie constitue une évolution majeure. Toutefois, l'expérience des crypto-monnaies et du Bitcoin en particulier, soulève des questions sur la consommation d'énergie additionnelle, associée à la numérisation. Cette consommation d'énergie supplémentaire, générée par les solutions numériques, ne risque-t-elle pas d’absorber les gains d'efficacité qu'elles génèrent ?

Heike Brugger est spécialiste des politiques publiques de consommation énergétique, chercheure affiliée à l’équipe de recherche Energie de Grenoble École de Management, issue de l’Institut de la Recherche sur les Systèmes et l'Innovation de la Société Fraunhofer.

« Notre recherche préliminaire, conduite à l’Institut Fraunhofer, a souligné le fait qu’il existe peu de données fiables sur la numérisation et la consommation d’énergie. C’est pourquoi, nous avons lancé un projet de recherche EU Horizon 2020, qui vise à explorer l’impact des nouvelles tendances de la consommation d’énergie, liée à la numérisation », explique Heike Brugger, qui est également responsable de la recherche et cheffe de projet chez Fraunhofer ISI.

Efficacité énergétique versus consommation d’énergie

« Le risque principal de la numérisation est d’induire une plus forte demande énergétique. Bien que la recherche ait démontré que la numérisation peut avoir des avantages majeurs en termes d’efficacité énergétique pour les ménages et les organisations, elle ne diminue pas pour autant la demande d’énergie », explique Heike Brugger.

L’accessibilité des services numériques peut certainement entraîner une augmentation de l’utilisation et, par conséquent, une augmentation de la demande d’énergie

Les services de diffusion vidéo en continu offrent un exemple simple pour comprendre l’impact potentiel de la numérisation sur l’efficacité et la demande. Le téléchargement d’une vidéo est beaucoup plus efficace sur le plan énergétique que la fabrication, la vente et l’achat d’un DVD. Toutefois, la facilité d’utilisation et d’accès créée par les services de diffusion en continu a entraîné un changement de comportement. Alors qu’un ménage peut regarder un DVD plusieurs fois ou seulement une fois par semaine, les services de diffusion en continu facilitent le téléchargement et le visionnage de nouveaux contenus tous les soirs. « L’accessibilité des services numériques peut certainement entraîner une augmentation de l’utilisation et, par conséquent, une augmentation de la demande d’énergie », ajoute Heike Brugger.

Comportement individuel versus réglementation

Selon Heike Brugger, le défi de la numérisation et de la demande d’énergie est double. « Nous devons considérer deux aspects majeurs de cette question. Tout d’abord, le comportement individuel changera à mesure que la numérisation augmentera. Cela peut avoir des effets positifs (citons par exemple les applications mobiles facilitant le covoiturage), ou négatifs : une voiture entièrement numérique peut se conduire elle-même, ce qui incite davantage les utilisateurs à utiliser leur voiture plutôt que le transport en commun. Le deuxième défi est la réglementation. Il y a beaucoup de travail à faire sur le plan de l’élaboration des politiques afin de trouver le juste équilibre entre les avantages et les inconvénients d’une numérisation accrue. »

De plus, tous les intervenants, des particuliers aux entreprises, ont des points de vue et des motivations variés qui régissent leurs besoins énergétiques dans le domaine de la numérisation. Les centres de données, par exemple, ont constitué un point de discussion majeur. « Les entreprises ont tout intérêt à construire des centres de données éco-énergétiques, car la demande d’énergie représente un coût énorme. Cependant, une fois qu’un centre de données est opérationnel, les entreprises ont toutes les raisons d’accroître tout autant le trafic d’un centre de données, encourageant ainsi la demande d’énergie », ajoute Heike Brugger. De même, nous pouvons examiner de quelle manière les données sont facturées ou taxées. Un utilisateur de Netflix qui paie un tarif forfaitaire a tout intérêt à diffuser le plus de contenu possible. Si les utilisateurs devaient être facturés par bit, ou les centres de données taxés par bit, alors leur motivation à consommer s’en trouverait radicalement modifiée « C’est là que la réglementation et l’élaboration des politiques peuvent jouer un rôle majeur dans l’atténuation de l’impact négatif de la numérisation », conclut Heike Brugger.

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