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La gouvernance de l’eau, nouvelle expertise à GEM

La gouvernance de l’eau, nouvelle expertise à GEM
Publié le
22 Mars 2023

Depuis septembre 2022, Grenoble Ecole de Management compte parmi ses enseignants chercheurs, Thomas Bolognesi spécialiste de l’analyse des politiques publiques et plus particulièrement de la gouvernance de l’eau. Retour sur son parcours et ses expertises.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Thomas Bolognesi, je suis économiste spécialisé dans l’analyse des politiques publiques et de l’environnement, de l’eau en particulier.

Mon parcours passé se découpe en trois phases

La première a été la réalisation d’une thèse dans le champ de l’économie des organisations. Il s’agit d’un domaine dans lequel les chercheurs se demandent comment les activités se coordonnent et pour quels effets en termes d’efficacité ou de légitimité. Pour cela, j’observe comment une même régulation se diffuse différemment au sein d’un territoire. En particulier, ma thèse a porté sur le secteur de l’approvisionnement en eau potable et proposé une comparaison au niveau urbain en Angleterre, en France et en Allemagne.

Ensuite, dans les Universités de Genève et de Lausanne, j’ai réalisé un travail de support à la recherche et à la décision politique. En particulier, j’ai contribué au lancement d’une plateforme de soutien à la diplomatie de l’eau aux Nations-Unies – financée par le ministère des Affaires étrangères.

Enfin, j’ai opéré un retour vers de la recherche plus fondamentale sur l’efficacité de la gouvernance. Ainsi, j’ai développé le concept de piège à complexité institutionnelle. Il vise à comprendre l’organisation comme un système complexe dans lequel il y a des actions plus ou moins complémentaires. Ce concept structure mes recherches.

Mon arrivée à Grenoble Ecole de Management en tant que professeur associé, marque une nouvelle phase dans mon parcours. C’est l’opportunité pour moi d’équilibrer la co-évolution entre l’enseignement et la recherche et de développer des ambitions collectives notamment en contribuant à la Chaire Territoires en Transition de GEM.

Mes expertises tournent autour de 3 ordres de questions : comment fonctionne l’organisation des systèmes socio-écologiques ; comment des instruments politiques et économiques affectent les comportements, et inversement ; pour quels effets et efficacité ? Les résultats de mes travaux de recherche serviront aux réflexions et expérimentations menées par la Chaire Territoires en Transition de GEM sur ses enjeux de politiques territoriales.

A l’approche de la journée mondiale de l’eau qui se déroulera le 22 mars prochain, pouvez-vous nous indiquer quels sont les enjeux actuels de la gouvernance de l’eau ?

Je vois deux principaux enjeux liés à la gouvernance de l’eau.

Le premier est relatif à la ressource en eau. Les hydrologues posent le cycle de l’eau comme une équation équilibrant flux entrants et sortants d’un périmètre géographique et temporel donné. Les économistes la reprennent sous forme d’équilibre entre demande et offre de l’eau. Comment fonctionne ce cycle de l’eau en considérant les usages ? Aujourd’hui, quand on perçoit des problèmes hydriques, on les perçoit comme des problèmes externes : on manque d’eau, l’eau manque de qualité. Souvent les usages sont oubliés : sont-ils trop nombreux en volume d’eau, la dégradent-t-ils trop ?
A l’ère de l’anthropocène, les changements environnementaux sont principalement dus aux humains. Ils résultent de comportements, d’une évolution de la société. La qualité et les quantités de l’eau changent suite aux usages. Par exemple, l’activité humaine affecte la probabilité et l’intensité des inondations comme des sécheresses. Un renversement de la perception de la ressource est nécessaire. L’état de l’eau n’est pas « naturel », il est, dans une large mesure, socialement construit. Réfléchissons aux usages de l’eau : est-ce que tel type de qualité d’eau est nécessaire pour ce type d’usage (nettoyer les trottoirs avec de l’eau potable par exemple).

L’état de l’eau n’est pas « naturel », il est, dans une large mesure, socialement construit.

Le deuxième enjeu est la prise en compte d’un autre grand changement : l’urbanisation du monde. Actuellement, la moitié de la population mondiale vit en ville. D’ici 2050, ce devrait être environ 68 %. Il y a une concentration de la population dans des territoires plus restreints. Cela affecte l’eau. La nature a une capacité d’absorption de charge qui est donnée, si on dépasse cette capacité, elle est incapable de se renouveler de manière pérenne.

L’objectif est d’atteindre une certaine sobriété et soutenabilité.

Cette urbanisation du monde implique une concentration des besoins et des usages. De ce fait, nous manquons d’eau pour satisfaire tous les usages et dégradons l’état des écosystèmes. Nous allons connaître cela de plus en plus : fortes pollutions, eutrophisation (déséquilibre des milieux aquatiques)... Nous organisons des cercles vicieux qui modifient les régimes de fonctionnement. Comment gérer les futurs usages urbains de manières holistiques et cohérentes. La voie d’un mix d’instruments politiques avec plus de planification, de processus participatifs est de plus en plus recommandée par les scientifiques. Il reste à comprendre comment designer des mix adaptés aux conditions locales et qui soient cohérents.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le concept de piège à complexité institutionnelle développé dans vos recherches ?

Ce concept vise à expliquer un paradoxe : la persistance, voire l’aggravation des problèmes environnementaux alors qu’individuellement les politiques publiques et contrats sont relativement bien formulés. En sus des conflits politico-économiques, l’argument du piège à complexité institutionnelle montre que les régulations ont de plus en plus d’effets indirects négatifs entre elles car elles sont peu coordonnées ensemble. Il y a une perte de cohérence dans l’organisation de ce système complexe. J’ai pu l’observer à l’échelle séculaire dans plusieurs pays d’Europe en mobilisant différentes méthodes d’observation. Ce piège s’adapte à tous les systèmes complexes (changement climatique, chômage, travail).

 La recherche doit être fondamentale, elle nourrit et se nourrit du territoire.

La représentation graphique de ce concept vient de mes cours et échanges avec les étudiants qui venaient challenger le réalisme des concepts. Je le mobilise aussi dans mes activités de recherche-action. En effet, je pars du principe que la recherche doit aussi servir la communauté, faire le lien entre des acteurs privés et publics.

Quelles sont les prochaines étapes de vos recherches ?

Sur le plan thématique, je souhaite continuer à avancer mon travail sur les pièges à complexité institutionnelle et notamment sur la question de la judiciarisation que je vais tester dans d’autres secteurs que dans celui de l’eau. Je souhaite également faire appel à l’intelligence collective pour aller plus loin, notamment en encadrant des étudiants et développant du travail d’équipe à GEM.
Je vais aussi observer les relations entre les caractéristiques physiques de l’eau et le développement au niveau plus global. Cela passe par des mesures de l’usage de l’eau et de sa disponibilité en découpant le globe en carré de 50 km par 50 km. Nous avons des données depuis les années 70 ce qui permet de voir les changements d’usages qualitatifs et quantitatifs.
Enfin, je souhaite travailler sur le développement local qui est une vraie expertise dans l’école à travers la chaire Territoires en Transition. 

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