
C’était a priori le combat de David contre Goliath. Grâce à un mouvement social et citoyen, une fédération de coopératives funéraires a redistribué les cartes de la concurrence, au Québec, sur un marché libéralisé. Comment les coopératives québécoises ont-elles détrôné les mastodontes du secteur ?
Aux alentours de 1990, au Québec, l’industrie du funéraire se voit concurrencée par les multinationales du secteur. Quelle était la situation à cette époque ?
Le funéraire au Québec est initialement une industrie locale. Dans les années 1990, l’industrie du funéraire devient la proie des multinationales du secteur, ce qui accentue de fortes inégalités en termes de services à un moment très délicat dans l’existence des individus, caractérisé par le stress et une profonde insécurité. D’où une certaine « exploitation » du consommateur.
Les coopératifs funéraires ont réussi à réduire l’impact de prestations historiquement chères. Pour illustration, en 1972, le coût moyen des funérailles, au Québec, était 19 % plus élevé que la moyenne au Canada. En 1989, déjà, ce coût était inférieur de 8,9 %. Le réseau coopératif a souhaité contrer la domination des multinationales du secteur, afin de réduire le coût des prestations et d’accroître le niveau de services, à travers le conseil et l’accompagnement des clients du funéraire.
Quels ont été les facteurs décisifs de ce changement de modèle ?
A partir de 1990, un nouveau modèle de coopératives funéraires naît, porté par un mouvement social et citoyen, en réaction à l’entrée des multinationales. Ce mouvement coopératif a tout d’abord misé sur l’information et le soutien du grand public par voie de presse, afin de démontrer les bénéfices des coopératives funéraires. Des campagnes publicitaires ont été lancées pour rompre avec la vision erronée d’un service coopératif associé au modèle low cost. Parallèlement, le modèle coopératif s’est vu représenter au sein du gouvernement québécois, à travers la nomination d’un ministre en charge du funéraire, et la publication d’un rapport gouvernemental sur le sujet.
Autre élément déterminant : la volonté d’élargir le mouvement coopératif, en partageant les ressources avec d’autres coopératives québécoises, mais aussi, à travers l’achat d’enseignes privées du funéraire. D’où le déploiement de plusieurs enseignes sur le territoire. L’objectif consistait à atteindre une masse critique au plan national. Ce réseau coopératif a ainsi fait la démonstration qu’il était en capacité de croître par lui-même.
De 1990 à 2005, le réseau coopératif accroît donc son influence au Québec…
Selon la fédération québécoise des coopératives funéraires, le nombre de funérailles enregistrées passe de 3 300 à près de 7 500. La part de marché du réseau coopératif monte de 7 % à 13,6 % et les actifs détenus par les coopératives sont quintuplés. Le réseau compte alors plus d'une centaine de points de services, qui regroupent plus de 140 000 membres. Le chiffre d'affaires annuel consolidé des coopératives passe de 7,5 à 30 M$.
Quels sont les principaux apports du modèle coopératif au Québec ?
Ils tiennent en trois points essentiels : le conseil et l’accompagnement auprès des familles, des prix beaucoup moins élevés, et la démystification des services funéraires, à travers notamment l’organisation de journées « portes ouvertes ». Notons tout particulièrement le conseil et la préparation psychologique, qui sont dispensés en amont du processus de deuil, qui reste en soi un processus naturel.
* Source : Fédération Québécoise de Coopératives Funéraires.
Le réseau québécois de coopératives funéraires en 2017
- 19 coopératives funéraires membres ;
- Plus de 200 000 membres ;
- Plus de 100 points de services ;
- Plus de 600 employés ;
- 315 administrateurs bénévoles, reconnus pour leur engagement dans le secteur ;
- Un chiffre d’affaires consolidé de près de 53 millions de dollars ;
- Une part de marché de 18 % ;
- Des actifs de 253 millions de dollars ;
- Plus de 11 000 familles servies chaque année.