
Une recherche menée sur les facteurs d’échec d’implantation à l’international pour les PME françaises démontre que les consultants export et les conseillers du commerce extérieur, chargés de l’aide à l’internationalisation des PME, peuvent parfois être plus dissuasifs que constructifs. Une des causes serait que certains de ces « global managers » imposent une vision particulière de ce qu’est l’internationalisation.
Nathalie Belhoste est docteur en science politique (IEP Paris) et enseignant-chercheur à Grenoble Ecole de Management. Sa recherche porte sur les liens entre la géopolitique et le management international. Avec François Goxe, enseignant-chercheur à l’Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, elle est co-auteur d’une publication, portant sur les limites de la pensée globale, parue en 2018 dans The European Management Review : « Be global or be gone: Global mindset as a source of division in an international business community ». Entretien.
Dans quel contexte s’est inscrite votre recherche conjointe ?
Cette recherche a porté sur l’internationalisation des PME françaises en Chine, qui est le terrain de prédilection de François Goxe. L’objet de notre étude visait initialement à pointer les facteurs d’échecs d’une implantation à l’international par les entrepreneurs français. Nous avons conduit 35 entretiens auprès d’interlocuteurs dédiés – des petits entrepreneurs, des représentants de grands groupes français et des consultants export et conseillers Business France Export. Puis, l’étude a dévié à la lecture des résultats…
Pour quelles raisons principales ?
Les résultats mettaient principalement en lumière les facteurs qui bloquent l’internationalisation des PME et des petits entrepreneurs, en particulier les facteurs discriminants qui relèvent de la pensée globale. En effet, ces nouveaux arrivants entrent en contact avec une « élite globale », bien installée à l’international. Parmi ces acteurs, certains les bloquent plus qu’ils ne les encouragent. C’est pourquoi, notre étude a conclu que certaines rencontres pour les entrepreneurs potentiels à l’international peuvent être décisives, et parfois négativement.
Pouvez-vous préciser votre définition de « l’élite globale » ?
Les consultants export, les conseillers en commerce extérieur, chargés de l’aide à l’internationalisation des PME notamment, ont le même profil et sortent pour la plupart des mêmes grandes écoles. C’est bien, mais parfois cela va à l’encontre de l’objectif recherché. Pourquoi ? Les « global managers » imposent une vision particulière de ce qu’est l’internationalisation, ce qui crée des effets pervers. Parmi ces effets, on note un discours d’exclusion des autres – c’est-à-dire des nouveaux entrants –, qui ne disposent pas toujours des prérequis pour l’internationalisation. A savoir, un anglais courant, une éducation internationale, la fréquentation de certaines écoles…
Les « global managers » imposent une vision particulière de ce qu’est l’internationalisation
Un « discours d’exclusion »… Comment justifiez-vous cette analyse ?
Il existe une domination des uns sur les autres (cf. les travaux de Pierre Bourdieu), à travers des codes communs, la pratique de langues étrangères, les qualités d’ouverture…. Cette culture globale s’auto-construit via les mêmes réseaux d’élites qui produisent des « global managers » qui partagent un « global mindset », c’est à dire une mentalité commune. Cette posture peut aboutir à une vision, un regard méprisant, condescendant sur les nouveaux entrants, qui ne connaissent pas les mêmes règles du jeu et qui ne partagent pas les mêmes codes. Au final, comme ce sont souvent des membres de cette élite qui sont chargés de conseiller ou d’orienter ces nouveaux entrants, et qu’à leur contact, ils ne se sentent pas légitimes ou se sentent méprisés dans leur approche de l’international, certains entrepreneurs décident alors de renoncer à cette internationalisation.
Quels sont vos principaux avertissements à l’issue de cette étude ?
Il est essentiel de s’interroger sur les profils de recrutement, notamment dans les services consulaires et pour les conseillers du commerce extérieur. A qui confions-nous ces missions de conseil export ? Cette élite globale détient un mode de pensée, une façon de fonctionner. En tant qu’Ecole supérieure de commerce, nous avons notre responsabilité, car nous en formons une partie. Nous valorisons les « global managers » mais il faut aussi en connaître les limites.
11e Festival de Géopolitique - du 13 au 16 mars 2019
Le Festival de Géopolitique organisé par Grenoble Ecole de Management (GEM) se penchera sur le thème « (DES)UNION EUROPENNE ? ».
« Plusieurs événements survenus ces dernières années imposent d’interroger l’avenir de l’Union », commente Jean-Marc Huissoud, Directeur du Festival et professeur à GEM. « Le Brexit, la mutation de la PAC, la montée des populismes, la crise italienne ou catalane soulèvent des interrogations quant à la solidité de cette construction. L’ensemble de l’Union ne va-t-il pas se laisser entrainer dans une longue vague de désintégration ? Quelle Europe nous attend dans les années à venir : une Europe de l’Union ou une Europe des Unions ? ».
Au programme de cette édition :
Parmi les personnalités attendues : Bertrand Badie, Michel Barnier, Pascal Boniface Thierry Chopin, Michel Foucher, Isabelle Jegouzo, Nathalie Loiseau, Tommy McKearney, Marc-Olivier Strauss Kahn, Jean-Pierre Sueur.
- Parmi les nouveautés : Une conférence ouverte à tous animée par le youtubeur Mister Geopolitix sur comment vulgariser la géopolitique et une simulation de session du Parlement européen pour les étudiants de classes prépas.
- Et toujours plus de 100 conférences, tables-rondes et débats pendant, des émissions de radios en direct du festival, des serious games, un escape game, un concert, du théâtre, des expositions de cartes et de street art.
La 10ème édition a connu une Affluence record avec 19 345 visites, dont 11 900 visiteurs sur place, soit une augmentation de 50% par rapport à l’édition précédente. Elle s’est déroulée du 14 au 17 mars 2017 sur le thème « Un 21ème siècle américain ? ». Les vidéos de la 10ème édition sont disponibles sur youtube.