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Grâce au jeu, le secteur Santé peut lever des tabous, donner la parole aux patients et mieux les accompagner

Grâce au jeu, le secteur Santé peut lever des tabous, donner la parole aux patients et mieux les accompagner
Publié le
23 Septembre 2021

Isabelle Patroix, spécialiste des serious games à GEMRassembler pour 48 heures des médecins, des patients et des professionnels du jeu vidéo pour créer des jeux sérieux sur des thèmes de santé : c’est ce que propose la Medical Game Jam, dont la deuxième édition aura lieu en novembre à Grenoble. L’occasion de (re)découvrir la puissance pédagogique de cet outil, y compris sur des sujets sensibles.

Interview d'Isabelle Patroix, spécialiste des serious games à GEM.

Évoquer des maladies chroniques, l'observance des traitements ou les essais cliniques à travers des jeux, n'est-ce pas un pari très ambitieux ?

Isabelle Patroix : si on considère que le but d'un jeu est de faire rire, nous sommes hors sujet, en effet. Mais il y a longtemps que l'industrie du jeu a dépassé ce cap. Elle aborde aujourd'hui des thèmes comme le deuil, la guerre, l'éthique, l'écologie et même la colonisation !
Dans le secteur santé, on trouve des jeux pour préparer des chirurgiens à leurs premières interventions, aider le personnel des urgences à gérer le stress, familiariser des jeunes enfants qui vont passer une IRM avec cet environnement très bruyant… En fait, plus un sujet est sérieux, plus il donne naissance à des jeux.

En fait, plus un sujet est sérieux, plus il donne naissance à des jeux.

Pourquoi ce succès ? Qu'est-ce qui donne au jeu son efficacité pédagogique ?

Un jeu vous projette pour une durée limitée hors de votre quotidien, dans un espace clos régi par ses propres règles. Vous entrez dans un autre univers, ce qui éveille votre curiosité, vous confronte à une réalité ignorée et modifie votre point de vue. De plus, vous pouvez incarner des personnages, prendre des décisions et en mesurer les conséquences, bien plus vite que dans la vraie vie. C'est une expérience marquante qui peut vous faire évoluer.

Pourquoi organiser cette Medical Game Jam au lieu de laisser la main aux sociétés spécialisées dans le jeu ? 

Dans quel autre cercle des médecins et des patients ont-ils l'occasion d'échanger sur leur vécu et leur perception de la maladie ? Et de les partager avec des game designers, des graphistes et des développeurs capables de leur donner une forme ludique ? La force de la Medical Game Jam est d'orchestrer ce dialogue, puis d'y inviter le grand public à travers les jeux créés. Il faut préciser que la première édition, qui a réuni 80 participants en 2019 à Paris, était une première française et internationale.

À quels jeux a-t-elle donné naissance ?

Six jeux ont été prototypés en 48 heures, dont deux ont été primés et développés à 100% par la suite, puis diffusés en ligne. Le premier, King of Trial, explique la mécanique des essais cliniques pour inciter de nouveaux patients à y prendre part. Le second, Utter-Us, est consacré à l'endométriose. Cette maladie gynécologique, donc délicate à évoquer, peut générer des douleurs chroniques et répond peu aux traitements. Pour les patientes, pouvoir en parler à travers un jeu a été un exutoire, un moyen de sortir du tabou et de sensibiliser leur entourage.

Quels sujets au programme pour cette Medical Game Jam 2021 ?

Avec nos partenaires pour cette édition, l'UFPP* et l'ANSM**, nous en avons sélectionné trois : l'impact des dispositifs médicaux connectés sur le quotidien des malades, le parcours des patients et l'éducation à l'observance des traitements. Les autres seront choisis pendant les premières heures, quand les groupes de travail se seront constitués et auront débattu de leurs priorités.

Pourquoi cette formule du 48 heures chrono sur un week-end ? Vous en demandez beaucoup aux participants…

Tous sont bénévoles : on ne peut ni les mobiliser trop longtemps ni leur imposer plusieurs rendez-vous espacés les uns des autres. Mais surtout, cette règle des 48 heures génère une tension positive et favorise la créativité. Il y a un défi à relever, une envie de finir dans les temps qui stimulent l'intelligence collective et incitent à s'impliquer encore plus. Enfin, le délai des 48 heures est impératif, mais chaque groupe s'organise à sa façon ; ce mélange de contraintes et de liberté est également très productif.

* Union francophone des patients partenaires
** Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé 

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