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Exosquelette actif : un rapport bénéfices-coûts largement positif

ouvier ferroviaire tyravaillant avec un exosquelette actif
Publié le
31 Août 2023

Peut-on rendre moins pénible le travail des ouvriers de maintenance ferroviaire en les équipant d’exosquelettes actifs ? D’après les recherches du projet européen STREAM, auquel GEM participe, la réponse est clairement positive. C’est ce qui ressort des tests menés avec les intéressés et de l’analyse bénéfices-coûts réalisée à cette occasion par Alexandra Lugova et Stéphanie Gauttier.

Entretien avec Stéphanie Gauttier, responsable de l’équipe de recherche « Systèmes d’information pour la société » de GEM

Pourquoi avoir axé ce projet européen sur les ouvriers de maintenance ferroviaire ?

C’est un métier non automatisable, qui implique de soulever, déplacer et positionner des poids jusqu’à 25 kilos. Ces efforts répétés ont des conséquences néfastes, notamment des douleurs aux lombaires pour près de deux tiers des ouvriers. D’autant que beaucoup d’entre eux ont plus de 50 ans, ce qui aggrave leurs problèmes de santé.

Or, l’exosquelette actif que nous avons testé divise cette charge musculo-squelettique jusqu’à 50 % lors des manutentions. Il peut contribuer à réduire les maladies professionnelles et les risques d’accident, tout en rendant plus attractif ce métier qui peine à recruter. C’est ce qui a motivé les opérateurs ferroviaires qui participent au projet.

Comment avez-vous procédé pour évaluer les effets de l’exosquelette ?

D’abord, des tests de terrain avec les ouvriers. En 2022, ils ont pu essayer l’exosquelette pendant quelques heures. Cette année, ils l’ont eu à disposition pendant cinq jours, durant lesquels nous les avons filmés en continu. Et bien sûr, nous avons recueilli leur avis.

En parallèle, nous avons construit une analyse bénéfice-coûts. Elle prenait en compte les gains directs pour la santé et la sécurité des ouvriers, ainsi que des effets indirects : attractivité du métier vis-à-vis des jeunes, possibilité de l’exercer plus longtemps et en bonne santé, compétitivité du secteur ferroviaire par exemple.

Jusqu’à quel point peut-on considérer une telle analyse comme fiable ?

C’est une démarche complexe, surtout sur une technologie émergente pour laquelle nous manquons de recul. D’où l’importance des tests de terrain et des échanges avec les opérateurs ferroviaires, qui connaissent parfaitement cet environnement de travail.

En l’occurrence, les trois approches ont convergé vers la même conclusion. Plus de 70 % des ouvriers interrogés pensent qu’il contribuerait à préserver leur santé et l’utiliseront s’ils en disposent. Plus de 50 % des opérateurs ferroviaires estiment qu’il serait pertinent d’équiper la moitié, voire plus de leurs effectifs de maintenance.

Quant à l’analyse bénéfices – coûts, elle aboutit à un ratio de 1,9 : un euro dépensé dans un exosquelette actif « rapporterait » ou ferait économiser 1,90 euro.

Ces arguments suffiront-ils à convaincre les opérateurs ferroviaires d’investir ?

Nous leur avons demandé quelle somme ils seraient prêts à débourser pour acquérir un exosquelette actif. Les réponses sont très disparates : en dépit du fort intérêt pour cette solution, la capacité à payer varie fortement d’un opérateur à l’autre compte tenu du caractère émergent de cette technologie. Les spécificités de l’exosquelette STREAM sont toutefois bien identifiées par le marché potentiel et sa valeur ajoutée est bien perçue.

À l’échelle des 36 opérateurs ferroviaires européens, on pourrait tabler sur 3600 achats d’exosquelettes actifs ces 15 prochaines années. Or, avec sa capacité de production actuelle, le fabricant ne pourrait en livrer que 2200. On peut donc s’attendre à une forte croissance de ce marché.

Votre analyse a-t-elle couvert toutes les retombées de cette technologie ?

Je suis convaincue que l’exosquelette actif aura plus d’impacts sur la santé des ouvriers que la baisse des maladies et des accidents. S’ils trouvent leur tâche moins difficile, se fatiguent moins vite, arrivent le matin avec moins d’appréhension, se sentent valorisés par cet outil, leur confort et leur bien-être vont progresser très nettement.
Côté employeurs, c’est un levier pour faire du care management, montrer à leurs collaborateurs qu’ils prennent soin d’eux. Tout cela relève d’effets à long terme que notre étude, limitée dans le temps, ne pouvait pas cerner.

 

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