
Nouveaux marchés, nouveaux process, nouvelle législation… Quels sont les facteurs qui motivent les entreprises et les institutions à tisser des alliances dans le domaine de l’environnement ? Léa Stadtler, professeur associé à Grenoble Ecole de Management, spécialiste de la stratégie, témoigne des résultats de son étude.
« Notre axe de recherche a consisté à réaliser un focus sur les alliances conclues entre des entreprises, ou entre des entreprises et des organisations gouvernementales et non gouvernementales dans le domaine environnemental ; ceci, face aux grands défis de société : le changement climatique, la raréfaction des ressources et la crise des modèles économiques actuels face à la rareté des énergies fossiles notamment, » note Léa Stadtler.
Cette étude a été conduite avec une équipe canadienne et s’inspire d’une base de données portant sur 1 200 alliances d’entreprises nord-américaines, contractées entre 1980 et 2015. Une majorité d’alliances étaient composées d’entreprises de même secteur d’activité : l’industrie l’automobile, énergétique… dont et certaines s’étendent à l’international, devenant un élément de la stratégie de l’entreprise. (Cf. General Electric avec son programme de croissance « Ecomagination »).
Allier l’intérêt économique et écologique
« Ces alliances ont pour défi d’allier l’intérêt économique et écologique. La question étant de savoir : comment ? « C’est parfois simple, par exemple, entreprendre de réduire la consommation des ressources et des déchets ; parfois plus compliqué. La transition à l’utilisation des ressources régénératives dans un processus de production par exemple, peut nécessiter des investissements lourds en R&D avec des bénéfices économiques qui surviennent à long terme, et dont les retombées sont parfois difficiles à quantifier, souligne-t-elle. C’est pourquoi, l’analyse des profils d’alliances ouvre de nombreux modes de collaborations, pouvant fédérer de 2 à 15 partenaires. »
Les typologies d’alliances
Au-delà d’une typologie selon les partenaires, la recherche a dévoilé une classification des alliances à travers leur objectif. Ainsi, le premier type d’alliance a pour but d’améliorer un processus ou une technologie au sein d’une entreprise. Pour optimiser le processus, ce type d’alliance peut intégrer les fournisseurs. Exemple : développer une nouvelle technologie de traitement des sols dans l’industrie chimique.
Le seconde type d’alliance vise à développer un produit ou une technologie de rupture – la voiture électrique autonome –, en développant par exemple un combustible à partir de déchets organique (le biogaz).
Le troisième type vise à initier des changements de modèles industriels pour améliorer, ensemble, la réputation d’un secteur. L’objectif est d’éviter des accidents majeurs, ou des effets délétères sur l’environnement. « Toutes ces actions sont difficiles à conduire seul, » note Léa Stadtler. Aussi, s’agira-t-il d’initier de vastes campagnes de sensibilisation auprès des consommateurs (et des pouvoirs publics), visant par exemple à réduire la consommation énergétique dans la construction et l’habitat ou à améliorer la gestion des déchets…
La quatrième catégorie d’alliances vise à influer la règlementation, afin d’élever les standards industriels d’une nation. Par exemple, General Motors s’engage dans le BlueGreen Alliance, une collaboration de diverses organisations, pour avancer des standards qui aident à rendre l’économie américaine plus propre/durable tout en améliorant sa compétitivité.
Focus sur… Les principaux facteurs de motivation
Pourquoi s’engager dans le champ de l’environnement ? « La pression extérieure, comme celle des ONG, mais aussi les réactions aux accidents environnementaux, conditionnent ces jeux d’alliances dans le domaine de l’environnement, » rappelle Léa Stadtler.
Parmi les facteurs propres aux entreprises et institutions, notons l’enjeu d’une réduction de la consommation des ressources et déchets, qui s’accompagne souvent d’une réduction des coûts de production et d’une gestion facilitée du processus (mais pas toujours). Autres facteurs, une meilleure gestion des risques et des accidents majeurs. « Au-delà, les relations avec les gouvernements, mais aussi avec les fournisseurs, peuvent être source d’innovations, qui sont pour la plupart combinées aux demandes des consommateurs à garantir une production écologique et durable. Car, plus un produit est « durable », moins son élaboration requiert de ressources et occasionne de nuisances au plan climatique notamment. Et moindre est la dépendance énergétique des entreprises, » souligne Léa Stadtler.
Pourquoi ces alliances ? « L’exemple des alliances entre des entreprises du secteur automobile et l’industrie énergétique, permet l’essor d’innovations de rupture (pile à combustible). Et le partage des moyens et des risques financiers. La voiture électrique autonome visée par exemple par Ford et General Motors, combine ainsi diverses expertises : les technologies numériques embarquées, l’intelligence artificielle, l’hydrogène…
La collaboration entre les ONG et les entreprises vise à bénéficier du savoir détenu par les ONG sur l’environnement pour créer ainsi une légitimité au secteur industriel ou pour générer des campagnes de sensibilisation et de prévention auprès du grand public.
Enfin, la collaboration entre les Etats et les entreprises est souvent fondée sur un partenariat bilatéral avec différentes entreprises. En revanche, la multiplication de ces alliances peut susciter la création d’un réseau, de consortiums… avec des universités, des laboratoires de recherche public/privé. « Le réseau du secteur public est vaste, mais la publication scientifique peut s’opposer à la confidentialité des résultats notamment. D’où l’importance des compromis à formuler en amont d’un partenariat public/privé, » conclut Léa Stadtler.