
Dernier article paru dans The Conversation par Raffi Duymedjian, Jean-Marc Pistorello, et Marc Prunier, Grenoble École de Management (GEM)
L’improvisation programmée : le jazz, le planifié et l’indéterminé
L’improvisation dans les entreprises est généralement considérée selon deux formes bien particulières.
Soit elle se manifeste pour pallier un manque ou une défaillance de la planification. L’improvisation participe dans ce cas au processus de maintenance d’un dispositif par nature imparfait, faisant office d’huile dans les rouages.
Soit elle exprime l’incompétence de celui qui, ne sachant pas faire, se débrouille comme il peut, utilisant sa seule spontanéité et son soi-disant « bon sens ».
Or, s’il est un domaine où l’improvisation est reine, c’est bien le jazz. Il a d’ailleurs attiré sur ce point l’attention des sciences de gestion il y a plus de deux décennies. Et ce qu’il nous apprend semble s’opposer au moins en partie à cette vision de l’improvisation en entreprise.
En jazz, les règles sont d’argent, l’improvisation d’or
En premier lieu, les jazzmen réputés pour leurs improvisations sont considérés comme des musiciens hors pair. L’improvisation est même consubstantielle de l’esprit du jazz, au point qu’on peut se demander s’il est possible de se définir comme jazzman sans savoir improviser. Dès lors, improvise non celui qui ne sait pas, mais celui qui maîtrise tout ou partie de son art. Mieux, son identité d’artiste se fonde sur sa capacité d’improvisateur, au point, d’ailleurs, que son style est reconnaissable dès les premières notes (tels un Keith Jarrett, un John Coltrane ou un Bill Evans).
En second lieu, l’improvisation n’est pas un pis-aller en marge d’une pratique réglée. Elle alimente systématiquement le processus de création musicale. Elle ne corrige pas les défaillances d’un fonctionnement planifié. Elle s’intègre de manière programmée dans l’activité de production artistique.
D’ailleurs, certains mouvements de jazz se sont bâtis à travers la place qu’ils ont offerte à l’activité improvisée. Ainsi, le swing propose d’exposer un thème préécrit auquel succèdent des parties improvisées dans lesquelles chaque instrument s’exprime. Miles Davis pousse plus loin l’improvisation en proposant un thème peu ou pas écrit laissant libre cours à l’improvisation de la structure du morceau. Enfin, le free jazz joue la carte d’une improvisation débridée fondée sur des règles minimalistes telles « 3mn » et « absence de fin ».
L’improvisation de jazz est ainsi le lieu de production d’un morceau qui émerge d’une conversation. La rythmique interagit avec un thème récurrent au sein duquel des moments de création improvisés font « vivre » le morceau.
Or, dans quelles mesures les organisations peuvent-elles, sur le modèle du jazz, penser les lieux et/ou les moments d’improvisation ? Comment une structure organisationnelle essentiellement conçue pour garantir la stabilité et la reproductibilité d’un système saurait-elle sans honte admettre l’improvisation comme condition de sa réussite ?
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Improvisation en entreprise : quelques pratiques vertueuses
Le collectif, l’autonomie et l’initiative
L’improvisation programmée, un nouveau cadre pour penser et agir