
Prises de rendez-vous, téléconsultation, paiements, transmission d’ordonnances, etc. : Doctolib joue un rôle croissant dans la relation médecin – patients. Mais quel est son impact sur le parcours de soins et sur la pratique médicale ? Qu’en pensent les médecins ? Olivier Arsene, spécialiste du sujet à Grenoble Ecole de Management (GEM), mène une étude auprès de pédiatres et de psychiatres.
Les patients voient Doctolib comme une simple plateforme de prise de rendez-vous. Pourquoi estimez-vous qu’elle joue un rôle important ?
Olivier Arsene : le grand public ne connait pas forcément l’ensemble des services offerts par Doctolib aux médecins. En plus de l'agenda, ces derniers peuvent saisir des mémos, créer et gérer des documents, les partager avec leurs patients ou avec un confrère, les regrouper dans des dossiers patients individuels… Tout cela dans un même espace numérique.
Par ailleurs, la prise de rendez-vous en ligne est déjà une transformation importante. Le médecin n’a plus à financer un poste de secrétariat ni à gérer les conflits qui peuvent survenir au téléphone.
De quels « conflits » parlez-vous ?
Le patient qui exige d’être reçu alors que l’agenda est plein ; celui qui veut consulter de toute urgence pour des symptômes anodins ; celui qui ne vient jamais au rendez-vous et dont le médecin ne veut plus… Au téléphone, il peut y avoir de la tension, de la négociation, des stratégies de culpabilisation. Sur Doctolib, il n’y a que des choix limités par l’outil.
De plus, le médecin peut depuis son écran ouvrir ou fermer des plages horaires, réserver des créneaux pour les urgences, faire du cas par cas pour certains patients, etc. Tout ceci sans échanger avec un secrétariat, donc sans risque de perte d’information ou d’incompréhension.
Comment menez-vous cette étude ?
J’ai rencontré six spécialistes, pédiatres ou psychiatres, pour des entretiens qualitatifs de 30 à 45 minutes. Après exploitation de ces échanges, je construirai un questionnaire sur les principaux points qui se dégagent. Je le diffuserai à un panel d’une trentaine de spécialistes de mêmes disciplines.
Doctolib dispose de beaucoup de données quantitatives sur l’utilisation de ses services, mais en a moins sur l'expérience patients - médecin. C’est ce qui fait l'utilité de ce travail.
Que vous ont appris les entretiens qualitatifs ?
Il n’y a pas deux façons identiques d’utiliser Doctolib. Certains praticiens n’ont plus de secrétariat, d’autres l’ont conservé en parallèle. Certains personnalisent l'outil, par exemple un pédiatre qui a établi une check-list pour l’examen clinique ; d’autres écrivent encore sur papier, en expliquant que c’est pour eux un moyen de réfléchir.
Par ailleurs, il est clair que Doctolib fait déjà évoluer la pratique médicale. Plus besoin de rendez-vous pour renouveler les ordonnances de malades chroniques : quelques clics suffisent. Beaucoup de souplesse avec la téléconsultation : je continue à suivre le patient qui a déménagé, le temps qu’il trouve un autre médecin traitant ; en cas de problème pédiatrique, je dialogue très vite avec les parents, sur écran, pour décider si leur enfant doit venir au cabinet.
Quid des patients qui ne savent pas se servir des outils numériques ?
Les pédiatres que j’ai interrogés rencontrent peu ce problème, car les parents des enfants qu’ils suivent sont jeunes. Quant aux psychiatres, ils ne l’ont pas signalé.
En revanche, les uns et les autres requièrent que le premier rendez-vous avec un patient soit en face à face. Cela permet d'établir une relation importante avec le patient et de dresser un bilan de santé initial.
Doctolib est-il devenu irremplaçable ?
C'est à ce jour le meilleur moyen de trouver un médecin où que l’on soit en France, ou de trouver en quelques secondes le premier rendez-vous disponible dans sa ville. Doctolib s’est rendu indispensable par sa puissance de traitement, la richesse de ses fonctions et sa capacité à fluidifier le parcours médical. C’est un tiers qui s’est installé dans la relation patients – médecin. Cela lui procure une position dominante, mais induit aussi une grande responsabilité.