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Déchets : traiter c’est bien, réduire c’est mieux

Déchets : traiter c’est bien, réduire c’est mieux
Publié le
14 Novembre 2022

En mars 2022, le Baromètre des transitions, un projet de recherche déployé par la Chaire Territoires en transition de Grenoble Ecole de Management, en partenariat avec la Métro et l’Ademe, a photographié les pratiques des habitants de la métropole grenobloise en matière environnementale. La question des déchets était notamment abordée.

Entretien avec Vincent Jourdain, chargé de recheche à GEM. Ce dernier est l’auteur d’une thèse sur les politiques de gestion des déchets, dont les mécanismes de financement, réalisée au sein de Pacte, le laboratoire de sciences sociales de l’IEP de Grenoble. Il est également le co-auteur de l’enquête menée dans le cadre du Baromètre des transitions, avec Corine Faure et Fiona Ottaviani, enseignantes-chercheuses à GEM.

La semaine européenne de la réduction des déchets (SERD), créée en 2009, constitue chaque année un moment de communication pour les institutions en charge de cette question au niveau national. Quelles sont ses visées ?

Notons que la réduction des déchets n’est qu’une dimension du sujet, aux côtés d’autres questions : la collecte, l’enfouissement, l’incinération, le recyclage et la réutilisation des déchets. En France, ce sont essentiellement l’Ademe, le ministère de l’Environnement et les collectivités locales qui communiquent sur la réduction des déchets à cette occasion.

Ces actions de communication consistent essentiellement à mettre en lumière des initiatives, individuelles ou collectives de réduction des déchets, et portent quasiment systématiquement sur la réduction des déchets dits « ménagers », c’est-à-dire ceux produits par les ménages et collectés par le service public de gestion des déchets (SPGD).

Pourquoi ce focus sur la réduction des déchets ?

Les chiffres, produits par Eurostat au niveau de l’UE et par l’Ademe en France, montrent que sur les dernières décennies, la tendance a été à l’augmentation des quantités de déchets générés. Au mieux, on observe parfois une stagnation. En France, par exemple, la production totale de déchets (ménagers et professionnels, dangereux et non dangereux) atteignait 345 millions de tonnes (Mt) en 2008 et 343 Mt en 2018, ce qui représente 5Mt par habitants.

Toutefois, dans ce total, les déchets ménagers ne représentent « que » 30 millions de tonnes. L’essentiel des tonnages est dû aux déchets des activités de construction, ou aux déchets professionnels en tout genre. Notons que ces derniers sont des déchets inertes (rocaille, etc.) plus « faciles » à gérer que les emballages plastique, par exemple. Il n’en demeure pas moins que les responsabilités en matière de prolifération des déchets sont partagées : les entreprises productrices ont la main sur les gros leviers de consommation.

Vous évoquez l’enjeu de l’économie circulaire, visant la réduction des déchets à la source…

Aujourd’hui, l’accent est mis sur les déchets plastiques, qui sont les plus spontanément cités par les individus qu’on interroge sur la gravité de la question des déchets. Toutefois, d’autres secteurs s’avèrent préoccupants d’un point de vue environnemental : les textiles, les déchets électroniques… Ainsi, l’introduction de critères d’éco-conception des produits électroniques, par exemple, ou la mise à disposition de pièces détachées favorisant la réparation, sont des leviers d’action permettant la réduction des déchets, dès la conception des produits.

Quelles politiques publiques peuvent contribuer à réduire les quantités de déchets ménagers, voire les autres déchets ?

On peut citer la fiscalité incitative, qui repose sur le principe de responsabilité individuelle dite du « pollueur/payeur ». Cette option est lentement mise en place en France, et bientôt à Grenoble. La fiscalité incitative vise à faire varier individuellement la taxe d’enlèvement des ordures ménagères selon les quantités de déchets générés par les foyers. Ce système est complexe à mettre en place et ne va pas sans poser quelques enjeux : détournement des déchets, refus politiques, coûts de mise en œuvre...

On peut également citer l’outil de la « REP » (pour Responsabilité Elargie des Producteurs) qui, en France, fait payer les metteurs sur le marché de produits neufs (emballages, vêtements, meubles, produits électroniques…) pour contribuer à la gestion des déchets issus de ces produits arrivés en fin de vie. Ce système, né dans les années 1990, a contribué à augmenter la collecte et le traitement de ces déchets. Mais, aujourd’hui, se pose la question de sa faculté à contribuer à la réduction des déchets générés. Une loi récente, la loi « anti-gaspillage et économie circulaire », inspirée du rapport de Jacques Vernier de 2018, a cherché à « réformer » l’outil de la REP.

Enfin, on peut relever certaines initiatives émergentes, qui visent à « accompagner » les citoyens à la réduction de leur consommation dans un mode de vie plus « frugal » ou « minimaliste ». Ces initiatives, portées par les pouvoirs publics ou par des acteurs militants, ne touchent cependant que certaines catégories de population très spécifiques, laissant de côté une grande partie des individus, qui sont peu enclins à adhérer à la réduction de leur consommation (voir les chiffres de notre enquête).

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