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De la finance à la neurofinance

Publié le
29 Septembre 2016

La finance s’appuie sur des démonstrations mathématiques pour créer des modèles. Certains financiers déplorent cet aspect purement théorique.Dans une tribune de TheConversation Luc Meunier, François Desmoulins-Lebeault et Jean-François Gajewski  abordent le sujet la neurofinance qui permettrait de mieux prendre en compte le comportement humain.

La rentrée économique a été pimentée par la polémique initiée par le livre pour le moins engagé de Cahuc et Zylberberg, deux économistes se revendiquant orthodoxes, sur ce qu’ils appellent le « négationnisme économique ». Ce négationnisme serait la tendance de certains intellectuels à ignorer les résultats des études économiques ou même à rejeter en bloc l’économie, comme une idéologie au service de la classe dominante.

Chahut dans les couloirs de l’université

Les économistes visés sont notamment ceux qui se présentent sous le label d’hétérodoxes. La réponse de certains d’entre eux ne s’est pas fait attendre. Ils qualifient notamment le livre de Cahuc et Zylberberg de « pamphlet aussi violent dans le ton qu’il est médiocre sur le fond ». Selon eux, « jamais l’attaque n’a été d’un aussi bas niveau ».

Au-delà du pugilat intellectuel qui est en train de se dérouler sous nos yeux, le livre soulève la question intéressante du caractère de « science » de nos disciplines économiques au sens large. D’ailleurs, cette question se pose aussi bien pour les sciences économiques que pour les sciences de gestion. À ce titre, la finance est à la conjonction de plusieurs disciplines (sciences économiques, science de gestion, mathématiques appliquées, etc.). Nous allons donc tenter de répondre à cette question de scientificité pour une branche de l’économie : la finance.

La finance classique, une science ?

Rappelons tout d’abord ce qu’on peut entendre par « science ». Une science consiste, à travers une méthodologie précise à comprendre et à expliquer le monde. On part d’observations qui font émerger une théorie falsifiable donc des hypothèses qu’on teste et qui permettent d’invalider ou de supporter la théorie en question. Jusque-là, la finance répond à la définition. Cependant, une science a aussi pour but de tirer des prévisions justes de cette connaissance. Et c’est là où le bât se met à blesser.

Car même dans le cas de la finance, domaine économique au sens large où les données et les observations sont très abondantes, le pouvoir prédictif des modèles reste relativement faible. Par exemple, la plus grande réalisation en économie financière est probablement le MEDAF, le célèbre Modèle d’évaluation des actifs financiers. Sans rentrer dans les détails, il permet une fois que l’on connaît le mouvement de l’ensemble du marché de connaître la rentabilité attendue sur un titre en particulier. Il prédit correctement environ 60 % de la variabilité du mouvement des titres. Pour donner un ordre d’idées au lecteur, les modèles en physique ne sont généralement pas considérés comme valables en dessous de 90 %. Les systèmes économiques sont en effet complexes, dépendant de l’agrégation des décisions de nombreux agents économiques ce qui rend la prédiction économique difficile.

De plus, la finance utilise classiquement des démonstrations mathématiques pour créer ses modèles. Cet état de fait ne manque d’ailleurs pas d’ennuyer certains financiers en ce qu’ils souhaiteraient remettre l’humain voire le politique au centre du débat. Les démonstrations mathématiques s’appuient obligatoirement sur des axiomes et des hypothèses. Une des hypothèses principales est celle de la rationalité des agents. Or, il est clair depuis 1953 et le prix Nobel français Maurice Allais, que cette hypothèse ne tient pas au niveau individuel. Pour l’anecdote, Maurice Allais proposa notamment un questionnaire lors d’une conférence d’économie à Paris, pour tester certains axiomes de base de la rationalité. Par chance, un des papes de l’orthodoxie en économie, Leonard Savage y participa. Ses choix violaient l’axiome de substitution. Il reconnut plus tard son erreur, et l’attribua à la présentation des choix qui étaient offerts dans le questionnaire.

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