
Daniel Ray, professeur de marketing et responsable de l'Institut du Capital Client à Grenoble Ecole de Management, démontre comment la "satisfaction client" influe sur la rentabilité d'une entreprise.
Fidéliser ou acquérir de nouveaux clients ?
Eternelle question des directions marketing lors des affectations budgétaires… Le discours ambiant tend clairement à privilégier l’option de la fidélisation. « Or rien n’est moins sûr » estime Daniel Ray.
Car la rentabilité des politiques de fidélisation dépend a minima de « 4 chemins », ou 4 effets accélérateurs décisifs. S’ils existent sur le marché concerné, alors la fidélisation sera extrêmement rentable. Mais dans le cas contraire, que d’argent dépensé en vain ! Cela n’expliquerait-il pas d’ailleurs le manque de rentabilité de nombreuses politiques de fidélisation ?
Quels sont ces 4 chemins ?
- Le bouche à oreille, dont les effets multiplicateurs positifs (ou négatifs) demeurent déterminants sur la rentabilité ;
- La réduction des coûts : satisfaire un client fidèle peut coûter moins cher que satisfaire un nouveau client. En effet, nos clients fidèles connaissent nos atouts et nos limites, et nous savons mieux les servir car nous connaissons leurs habitudes ;
- Les achats croisés (cross et up-selling) : le panier moyen d’un client fidèle est souvent supérieur à celui d’un nouveau client. Puisqu’il nous fait confiance, il est en effet plus tenté d’acheter des produits complémentaires et de monter en gamme ;
- Le « price premium » ou la moindre sensibilité au prix. Un client fidèle sera généralement moins regardant sur les prix. Si nos prix augmentent (dans une certaine limite !), il ne partira pas pour autant…
Il est donc fondamental, avant de foncer tête baissée dans la fidélisation « à tout prix », de calculer la force (ou la faiblesse, voire l’absence) de chacun de ces 4 chemins sur son propre marché. Mais, dans la réalité, quelles sont aujourd’hui les stratégies, ou plutôt… les tactiques en vigueur pour fidéliser ses clients ?
Deux types de tactiques coexistent
1ère tactique : retenir ses clients… de gré ou de force
C’est la plus courante, car nous l’appliquons depuis toujours. Et cela marchait plutôt bien ! Mais ça, c’était avant…
Cette tactique s’appuie généralement sur deux approches :
- Enfermer le client à Alcatraz, grâce à des barrières juridiques ou encore technologiques. Par exemple, seules les cartouches de la marque de votre imprimante sont compatibles avec celle-ci. Cette « rétention » fonctionne, mais pour combien de temps encore auprès de consommateurs de plus en plus irrités par cet enfermement ?
- Jouer sur l’inertie du client. Dans le secteur de la banque par exemple, un client est capté en moyenne… 22 ans, y compris lorsque son niveau de satisfaction s’avère faible. Stupidité des consommateurs ? Non. Simple inertie, c'est-à-dire paresse de devoir investir un temps fou pour changer de banque, surtout si l’on est persuadé que l’autre ne sera pas meilleure… Et cette inertie naturelle est d’autant plus renforcée que le risque ou encore le coût perçu au changement est fort. Mais ces politiques volent actuellement en éclat, non seulement parce que l’Etat s’en mêle (cf. la loi Hamon par exemple), mais surtout parce qu’à l’ère du numérique, quelques clics vont de plus en plus suffire à changer !
Seconde tactique : créer un attachement à la marque
Là aussi, deux approches sont possibles :
- Tabler sur l’image de marque. En mettant en avant sa marque, l’entreprise veut (et peut effectivement -cf. Apple, Harley Davidson, etc.) créer une préférence durable chez ses clients, et ainsi les fidéliser. Mais la pratique montre qu’il s’agit d’une option souvent coûteuse et surtout… précaire. Car si créer une image forte est long et difficile, la perdre est souvent immédiat et durable, comme en témoignent par exemple Nike et les révélations sur le travail des enfants en 1998, ou plus récemment Volkswagen…
- Investir dans la satisfaction de ses clients. Les politiques de satisfaction présentent un intérêt majeur : l’entreprise « a la main ». En effet, à partir du moment où nous avons mesuré la satisfaction de nos clients, nous sommes en mesure d’agir immédiatement et savons où le faire.
Voilà pourquoi la grande majorité des entreprises misent prioritairement sur la satisfaction pour fidéliser leurs clients. Mais ceci suppose que tout point de satisfaction gagné se transforme bel et bien en fidélité… Or est-on sûr de cela ? N’y aurait-il pas des seuils en dessous ou au-dessus desquels cette affirmation se révélerait fausse ? Une fois encore, que d’argent dépensé en vain pour gagner en satisfaction, sans que cela ne change rien à la fidélité de nos clients !
Le « loyalty model », ou la juste satisfaction du client
Calculer son « Loyalty Model », c’est comprendre la nature des relations entre satisfaction et fidélité. Cette étape-clé permet en effet de valider ou d’invalider la rentabilité de la satisfaction, mais aussi d’optimiser les futures politiques de satisfaction. « Sous ces conditions, les recherches référentes à ce sujet témoignent que, oui, sur les marchés matures, il existe une forte corrélation entre satisfaction client et rentabilité » conclut Daniel Ray.
Et il en est de même avec le cours de Bourse, ce qui clôt définitivement la boucle avec la création de valeur pour l’actionnaire : oui, investir dans la satisfaction client convient aussi aux actionnaires ! Les études menées à partir de l’ACSI – The American Customer Satisfaction Index, outil de mesure référent qui interroge 70 000 clients chaque année depuis plus de 20 ans – révèlent ainsi que le cours de Bourse des entreprises qui satisfont mieux leurs clients que la moyenne est, au bout de 10 ans, supérieur de 50% à celui des entreprises du S&P 500…
Développer durablement la satisfaction client ne veut pas forcément systématiser l’application de normes, de process et de KPI. « Seule l’instauration d’une véritable « orientation client » au sein de l’entreprise permettra d’améliorer la satisfaction de façon durable et peu coûteuse » précise Daniel Ray.
Pour en savoir plus sur l’orientation Client et le COS®
Daniel Ray et William Sabadie sont l’auteur d’un ouvrage
« Marketing relationnel : Rentabiliser les politiques de satisfaction, fidélité, réclamation »
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